Continuités et métamorphoses du moi chez Wolfgang Hilbig des recueils "abwesenheit" et "stimme stimme" au roman "Ich"

National audienceLes premières publications de Wolfgang Hilbig - "absence" ("abwesenheit"), recueil paru en 1979 en RFA, et "les voix" ("stimme stimme"), paru en 1983 en RDA - appartiennent au genre lyrique. On sait toutefois que, depuis l'enfance, Hilbig écrit de la prose et s'est toujours exprimé en parallèle dans les deux genres. Si dans ses interviews, il rappelle l'influence qu'ont exercée sur lui les Romantiques et les Modernes, il souligne également l'aspect pragmatique que revêt le choix de la poésie à une époque où il est encore chauffagiste et ne dispose que de très peu de temps pour écrire. L'arrivée à l'Ouest en 1985 ne marque donc pas le passage à la prose au sens strict du terme, mais provoque un changement dans les conditions de travail de l'auteur qui rend possible l'émergence de formes nouvelles : Hilbig, qui était déjà depuis quelques années écrivain indépendant à l'Est, jouit à présent d'une reconnaissance certaine. L'aisance matérielle qui en découle lui permet de se consacrer plus confortablement à son art, les textes s'allongent avec, en 1989, la parution d'un premier roman : "Une Transposition" ("Eine Übertragung"). Le lien entre sujet lyrique et sujet romanesque est évident dans son œuvre. Il se situe d'abord au plan thématique et lexical. Ainsi, de nombreux poèmes semblent contenir en germe ce qui sera développé en 1993 dans le roman "Moi" ("Ich"), à travers le thème de l'espion, de l'ombre mais aussi du marginal. La relation entre oeuvre lyrique et romanesque se manifeste cependant en premier lieu à travers le moi qui se promène de texte en texte et présente invariablement les mêmes traits, traits derrière lesquels on reconnaît aisément l'auteur. Que l'œuvre, aussi bien la poésie que la prose, puise à la source du matériau autobiographique, que le créateur se cache derrière le moi lyrique et/ou ses personnages peut sembler une banalité. Les textes de Wolfgang Hilbig se singularisent cependant par le retour infini des mêmes éléments constitutifs de sa biographie, éléments à propos desquels lorsqu'il y a recours, l'auteur sait parfaitement qu'ils induiront une lecture autobiographique